Tunisie et Libye: paradigme et contre-paradigme d’une révolution heureuse
Abstract
L’année 2011 bouleverse le paysage politique du monde arabe. Déjà deux présidents, en Tunisie et en Egypte, ont été détrônés. D’autres tremblent sur leur piédestal. La peur a changé de camp. Ceux qui, en Occident, croyaient, dur comme fer, que les sociétés arabes étaient fatalistes, soumises, inertes et rétives au changement ont vu leur mythe de l’exception arabe ébranlé. Le vent de liberté qui souffle sur la région n’épargne désormais aucun régime. Certes, certains États ont su désamorcer la colère en engageant des réformes, fussent-elles timides. Mais le mal est structurel et commun à tous: régimes autoritaires, économies dysfonctionnelles et perspectives d’avenir bouchées. La situation particulière de chacun des pays donne à la révolte une coloration, un caractère et un rythme différents. Au lieu de gloser, ad infinitum, sur l’effet domino qui pourrait faire penser à un effet automatique, il vaut mieux parler d’effet de démonstration. À cet égard, la Tunisie se présente comme le modèle de la ‘révolution heureuse’: des jeunes, éduqués, connectés, organisés spontanément, de manière massive, sans pilotage d’aucun parti, scandant des slogans modernes, prenant de court les partis classiques, bénéficiant de la fraternisation de l’armée, elle-même marginalisée par comparaison avec les services de police et de renseignements. Quant à la Libye elle s’offre comme le contre-paradigme: une rébellion qui ressemble à une insurrection, une société non homogène traversée de multiples lignes de fracture régionales et tribales, un pays dont les institutions ont été laminées, une armée qui se scinde, un régime féroce qui n’hésite pas à détruire ses propres villes pour se maintenir au pouvoir coûte que coûte, amenant une intervention militaire pour protéger la population civile. Tout cela fait planer un doute quant à la nature même de cette insurrection démocratique libyenne, tandis que la Tunisie, en dépit des difficultés d’accouchement d’un nouveau régime, nous donne plus de raisons d’espérer.In this year 2011 the political landscape of the Arab world was revolutionised and along the Southern shore of the Mediterranean authoritarian regimes have come to a deep crisis. The Author examines the cases of Tunisia and Libya. In Tunisia the Jasmine revolution was successful thanks to a society relatively modernised and to an army ready to fraternise. On the contrary in Libya, where the society is split in regional and tribal fractions and the army behaves accordingly, a tentative insurgency has brought about to a civil war. Hence the Author is in doubt on the nature of the ‘Libyan democratic insurgency’, while he is optimistic for the future of the Tunisian regime change. MOTS CLÉ: Sociétés arabes; Régimes autoritaires; Révolution des Jasmins; Islamisme; Mouammar Kadhafi.Downloads
How to Cite
Khader, B. (2011). Tunisie et Libye: paradigme et contre-paradigme d’une révolution heureuse. Rivista Di Studi Politici Internazionali, 78(2), 199–224. Retrieved from https://rosa.uniroma1.it/rosa00/index.php/studi_politici_internazionali/article/view/9301
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